J'ai eu l'idée face aux élèves. C'est souvent comme ça que ça se passe ! Je suis en train de parler et de dérouler mes leçons et mes exercices, ou bien un élève dit quelque chose, puis une idée me vient.
Dans ces moments, je dois me concentrer pour vérifier que ça n'est pas une bêtise, alors je lève la tête et je regarde le ciel à travers le plafond. Les enfants doivent sentir que quelque chose se passe car ils se calment un peu et se demandent ce qu'on va faire.
Pour expliquer illustrer de manière ludique les fonctions grammaticales (sujet verbe compléments d'objet direct ou indirect, et surtout CCT CCL CCM - les fameux compléments circonstanciels de temps de lieu de manière qui étaient le thème du jour...), l'idée consistait tout bêtement à organiser un petit cadavre exquis...
Chaque petit groupe devrait, dans son coin, se mettre d'accord pour trouver, tantôt un verbe, tantôt un COD, tantôt un complément circonstanciel, tandis que moi je choisirais le sujet. En haut du tableau j'avais écrit une structure de phrase, un peu comme des en-tête de colonnes, et j'attendais qu'ils me concoctent une phrase.
Les pauvres élèves, qui ne connaissaient pas ce jeu, ne comprenaient pas encore très bien qu'ils allaient collectivement construire et faire apparaître une phrase surréaliste amusante... Mais quand j'ai écrit sous la dictée en les interrogeant à tour de rôle leur étonnante trouvaille au tableau , ils ont bien rigolé...
"A 2h du matin / Jules / frappe / régulièrement / le maître / dans les toilettes"
Ils m'ont demandé si ils devaient écrire la phrase dans le cahier du jour, mais je leur ai expliqué qu'on en écrirait une autre car sinon leurs parents, en relisant et signant les cahiers, allaient se demander ce qu'on fabriquait en classe.
On a continué les phrases en faisant tourner les groupes pour que tous trouvent un verbe, un COD, etc, sachant que je me réservais toujours le choix du sujet.
Cette manipulation nous a permis de voir concrètement ce qu'ils n'avaient pas bien compris l'autre fois : le principe du verbe intransitif, qui n'admet pas de COD, comme dormir ou bégayer. De même, certains verbes se construisent avec une préposition et doivent donc être suivis de ce fameux COI comme "penser" (à) ou "se méfier" (de).
Ils ont bien compris qu'on ne dormait pas un ballon ou qu'on se méfiait DU verglas.
11h30 approchait, l'animateur de la cantine allait bientôt arriver dans la classe pour l'appel du déjeuner. J'ai donc logiquement choisi son prénom comme sujet de la phrase surréelle afin qu'il hallucine en voyant son blase écrit au tableau dans un énoncé lunaire qui ferait marrer les élèves...
Ceux-ci s'étaient surpassés en plus, car je leur demandais de varier et d'enrichir les compléments. Ainsi nous avons eu droit à
"Le jour de sa naissance / Samuel / mange / un pingouin / avec un petit sourire / en Guadeloupe / car il s'ennuie".
(oui j'avais demandé aux élèves de rajouter un CCC => complément circonstanciel de cause !)
Quand l'animateur sévère est entré dans la classe, un étrange silence régnait, les n'enfants guettaient sa réaction car on ne savait pas si la surprise serait remarquée et encore moins si elle serait appréciée. Lorsque son visage s'est illuminé, les élèves se sont exclamés "on a réussi à faire sourire Samuel !!"
En revenant en classe l'après-midi on a écrit ces phrases dans le cahier du jour, mais avec une petite introduction explicative : "les élèves inventent des phrases sur le principe du cadavre exquis".
Elisabeth a dit "c'est la première fois de ma vie que j'écris le mot cadavre", alors j'ai bien reprécisé que c'est effectivement un drôle de nom pour un jeu. Elisabeth a supposé que "cadavre exquis" était sans doute une association apparue en jouant à ce jeu : elle est pas bête Elisa !
On a ensuite regardé une mini vidéo Youtube où une jeune fille fait la démonstration du jeu : de main en main circule un papier plié sur lequel chacun écrit une "fonction grammaticale" et on le déplie seulement à la fin.
Pour bien comprendre, bien apprendre et bien retenir, il ne faut pas seulement s'amuser et créer des émotions positives qui marquent les cerveaux, il faut aussi répéter et réexpliquer soi-même, voilà pourquoi je les incite à apprendre le jeu à leurs petits frères et sœurs, à le refaire entre cousins ou avec l'autre CM1.
Il faut aussi faire des liens, alors je leur rappelle qu'ils connaissent déjà en réalité ces compléments circonstanciels car on les a déjà rencontrés lors de la formation aux premiers secours ! Quand ils devaient composer un numéro d'urgence et décrire, en plus du SUJET en répondant à la question qui ?, les "circonstances" de l'accident en répondant aux questions où ? (CCT) quand ? (CCL) comment ? (CCM).
Et puisqu'on devait poursuivre avec la géométrie et l'utilisation du compas, je leur explique que le mot "circonstances", comme le mot "circulaire", vient du mot "cercle" : ce sont toutes les précisions qui entourent l'action !
Précisions qu'on peut déplacer ou supprimer et la phrase reste française bien que très basique ! Alors on a relu nos phrases sans aucun complément :
Jules frappe
Clémentine capture
...
Samuel mange
..
Le maître invente
La classe apprend